Notre Dame d'Amiens, de neige recouverte,
Aligne ses larmiers rehaussés de blancheur,
Qui rythment le regard ascendant du pêcheur,
Vers la fenêtre haute sur l'infini ouverte.
L'air est silencieux et la place déserte,
La dentelle de gré, respire la fraîcheur,
Mais aucun amateur ne se fait défricheur,
Des statues animées en une pierre inerte.
Les pinacles s'ennuient et les culées aussi,
Pourtant, malgré le temps, l'ensemble réussi,
Maintient là-haut les arcs qui boutent les ogives.
La mantille nacrée a estompé les tours,
Elancées au travers de la brume des jours,
Pour tracer dans le ciel, un sens vers d'autres rives.
Proyart le 05 10 12
Les lambeaux de la nuit s'attardent au pied des tours,
Assombrissant les porches, estompant les culées,
Alors qu'à l'orient, les ombres bousculées,
Se dégagent d'un ciel qui prépare le jour.
Les clochetons blafards émergent tour à tour,
D'une forêt de pierre, aube tentaculée,
Où sommeille des arcs, la force accumulée,
Tandis que le transept dessine ses contours.
La haut la flèche brille avec des reflets d'or,
Eclairant peu à peu, du choeur chaque pinacle
Puis l'édifice entier, réveillé par miracle.
Bientôt tous les oiseaux que la lumière excite,
Chantent l'astre du jour qui vient de naître encor
Et la Dame aux waidiers reprend: Resurrexit!
Septembre 2004
Nous voici au sommet dans un sombre grenier,
Immense et silencieux, solennel et intime,
Dont la profondeur noire, évoque quelque abîme,
Dans le ciel oublié par un vieux charpentier.
On lit entre les pannes le texte régulier,
Des voûtains enjambés par l'entrait où s'arrime,
La ferme divisant l'espace de sa rime,
Que rythme obliquement chaque arbalétrier.
Vers le faîte exigu, deux rangs de contrefiches
Supportent de leur bras la toiture où s'affiche,
La solide impression de forces en action.
Tu es lieu singulier, grenier de Notre Dame,
Dont la complexe trame évoque l'émotion,
Pour peindre ou versifier, qui ressemble à mon âme.
Mai 2006
Quand usé par les ans et tout son corps l'atteste,
Le maçon reposait, son parcours achevé,
A travers les famines et les guerres et la peste,
Dans un frais cimetière, à l'ombre du chevet,
Loin au dessus de lui, sous la voûte céleste,
Se poursuivait l'élan, par un maître rêvé,
De l'ouvrage de pierre, élégant et si leste
Qui s'était de son sang, quelque part abreuvé.
Mais plongeant ses racines en son tertre funeste,
La cathédrale offrait au défunt bâtisseur,
L'hommage de son art, sublime intercesseur,
Pour hisser dans le ciel, cet ouvrier modeste,
Dont le temps de souffrance avait été grevé:
Viens, dit-elle au sommet, le soleil est levé.
Mai 2008
Amiens fête aujourd'hui le génial conteur
D'un monde fascinant, peuplé de Barbicane,
De Némo, de Strogoff avec en filigrane
Un attrait pour la science et tout explorateur.
Et l'on part en voyage avec le narrateur
Qui vous emmène dans la folle caravane,
Des engins du futur, en un culte profane,
Servi par un héros savant navigateur.
On pourrait toutefois et sans quitter la ville,
Découvrir un endroit tout aussi merveilleux,
Où règne la chimère à l'aspect de reptile;
Contre la pesanteur, un vaisseau fabuleux
Y monte vers le ciel, soutenu par des arches.
L'auteur n'en est point Verne, il signait De Luzarches.
février 2005
En un rang solennel, endormis les piliers,
Font l'honneur d'une haie au soleil qui l'éclaire.
Le silence s'accorde à l'orgue pour se taire,
Laissant au champs sacré ses rythmes réguliers.
On avance courbé sous les volumes altiers,
Des arches de Luzarches en ce grand reliquaire,
Cette Bible d'Amiens qu'écrit sa statuaire,
Que fit naître en couleur l'indigo des waidiers.
Puis traversant le bois que créa maître hucher,
On croise tout un peuple habile à nous prêcher,
Un dogme ciselé dans sa blonde substance.
lorsqu'on accède enfin à l'arc merveilleux,
Une leste paroi nous fait lever les yeux,
Vers la claire verrière où la lumière danse.
Proyart le 16 02 15
L'ange triste d'Amiens, pleure sur le passé;
Il semble regretter le temps des cathédrales,
Ou chacun subissant les rigueurs féodales,
Le vivant habitait avec le trépassé.
Fantôme exorcisé, que la science a chassé,
L'obscurantisme est mort. Les lumières géniales
Des tubes cathodiques éclairent magistrales,
Les chemins d'un savoir sans cesse dépassé.
Sommes nous plus heureux d'avoir croqué la pomme?
Ce beau fruit du savoir qui nous rend créateur,
Car sans le merveilleux pas de consolateur,
Nous nous retrouvons nus, désespérant de l'homme;
Aussi en conclusion pour finir ce tercet,
Je pleure avec ton ange, ô Nicolas Blasset.
Juillet 2003
La voûte évanescente à maintenir bien haut,
Sous le vent et les coups, de l'aube au crépuscule,
Tandis que la fatigue épuise et s'accumule,
Voilà le grand dessein, qui en ce lieu, prévaut.
Mais les piliers vibrants vont transmettre un sursaut,
Et leur folle ascension fait jaillir incrédule,
Au matin victorieux de la nuit qui recule
Un croisement d'ogives, épuré, sans défaut.
Lors, nous qui contemplons ce grand Art majuscule,
Victime d'autres forces et plus souvent qu'il faut,
Nous sentons cet élan, que la pierre inocule.
Oui la nef harmonieuse, insensible aux assauts,
Nous dit de résister en relevant la tête,
Pour du ciel infini, espérer la conquête.
Proyart le 11 02 09 N° 0910
Séduits par l'Art Français, pour exprimer leur foi,
Ces fils de Cormont, ces enfants de Luzarches,
Voulurent encor plus haut surélever leurs arches
Et dresser dans le ciel quelque leste paroi...
Mais trop près du soleil, ils virent avec effroi
Comme Icare tomber l'audacieuse démarche.
Las, deux siècles plus tard, ils reprirent leur marche
Et leur flèche jaillit plus fière qu'un beffroi.
L'Ascension fut fatale à cette œuvre insensée,
Mais du vaisseau la proue avance encor dressée
Et regarde couler à ses pieds le Thérain.
Elle est faite de pierre et de verre et d'airain,
Elle emprunte au soleil le feu de sa prière,
Écrivant dans le ciel la gloire de Saint Pierre.
Proyart 2003